Plus sur "Arnold"

Il arrive des chemins buissonniers et des jardins "mal fréquentés" de l'éternelle Bohême vagabonde, insolente et fière, arrière petit neveu de Villon ou Céline. C'est pas lui qu'on rumine et c'est pas lui qu'on met en gerbe ... Il a tout fait, je crois. Correcteur d'imprimerie, enseignant, retoucheur photographique, prince en exil, et quoi d'autre, marin peut-être, allez savoir?
Excessif jusque dans son calme, Arnold a le regard fiévreux de ceux que la civilisation n'est jamais parvenue à éteindre.

Je ne parviens pas à l'imaginer dans une de ces réceptions mondaines appellées "Vernissage", qui rythment la survie aseptisée de l'art contemporain. Eux sont tristes à pleurer, il est vivant à rire. Il les ferait fuir ou alors, il se laisserait injurier avec délices, en gloussant d'aise.

Un soir, dans un restaurant montmartrois, je l'ai vu se lever et déclamer du Baudelaire à une salle médusée de provinciaux et de touristes. Il s'y était rendu paré de folie slave, l'âme tragique et brillante, endimanchée des délires joyeux du festoyeur. Il y étincelait à coups de gueule, poussait son rire qui tonitrue comme un cri de guerre, puis plongeait dans des silences d'abysse. A la fois gascon, bretteur, brailleur, et absent.
"Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse". Il avait commencé La Passante et le silence s'était fait. Sa voix aurait pu passer quatre portes, et pourtant le ton n'était pas exagéré, pas faussement lyrique. Quelque chose de magnétique se dégageai

t de lui. Les braves femmes très "France profonde" le regardaient humblement, en écolières attentives. Je crois qu'une meute de loups errants se serait aplatie à cette écoute.

Le voici aujourd'hui sagement installé à Auvers-sur-Oise, cette petite cité préférée des impressionnistes. Il y travaille et expose dans la Galerie-Café ses paysages limpides et dépouillés, très "orientalistes", sur lesquels aucun vol de corbeau tragique ne vient jeter son ombre crépusculaire. Car, au-delà de l'anecdote du restaurant précipitée et n'offrant qu'un aspect superficiel du personnage, Arnold sait cacher avec grand art sa personnalité secrète. C'est, si l'on veut, affaire de pudeur, capable parfois de se camoufler en exhibition.
Maintenant que la barbe flamboyante d'hier est rasée, et la sauvagerie gominée, on redécouvre Arnold-le-Sage, d'Auvers-sur-Oise, entre champs et forêts.
Ce sage est un peu bourru, secret, qu'il est vraiment, et dont les aquarelles aux couleurs tendres trahissent le secret, et racontent le silence.



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